État de l’Open Source en France (2023)

Publié le 8 décembre 2023

Au moins deux publications récentes permettent de faire un état de l’open source et des logiciels libres en France. Elles ont été dévoilées dans le cadre du salon « Open Source Experience » de Paris, les 6 et 7 décembre 2023.

L’enquête « Open Source Monitor France 2023 »

Réalisée par le cabinet Markess by Exaegis à l’initiative du CNLL, de Numeum et du pôle Systematic Paris-Region cette enquête rend compte de l’usage de l’open source au sein des entreprises et du secteur public. Publiée sous la forme d’une présentation en format PDF, elle fournit de nombreux chiffres intéressants. Ceux-ci, par exemple, ont été repris dans différents articles en ligne :

L’enquête complète peut être téléchargée depuis le site de Numeum.

Open Source et Logiciels Libres : perspectives et visions des acteurs de l’Open Source

Réalisé par OpenStudio, ce livre blanc repose sur des entretiens avec différents acteurs de l’open source et des logiciels libres. La ville d’Échirolles a eu le plaisir de contribuer à ce travail, téléchargeable en suivant ce lien.

J’y ai appris des choses, et noté quelques déclarations intéressantes (à mon sens), que je compile ci-dessous :

Page 23 :

« Selon Nordine Benkeltoum, 71 % des développeurs de logiciels libres sont européens contre seulement 13 % de nord-américains. »

Page 40 :

« le marché de l’open source s’élevait à plus de 25 milliards d’euros en 2022, dont 5,9 milliards d’euros pour la France qui se positionne comme le leader européen de l’open source, légèrement devant le Royaume-Uni (5,5 milliards d’euros) et l’Allemagne (5,2 milliards d’euros). »

Page 43 :

« cette volonté de sortir des outils des GAFAM s’explique majoritairement par le besoin de protéger les données de leurs entreprises (57 %) (...) l’envie de soutenir l’économie française (44%) et d’intégrer la souveraineté dans leur politique RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) globale (42 %). Beaucoup d’entrepreneurs anticipent également avec raison les évolutions de la législation européenne sur ce sujet (37 %). »

Page 50 (interview de François Nollen, SNCF) :

« Une stratégie open source ne signifie pas forcément qu’on fait tout en interne et qu’on n’a besoin de personne, plutôt qu’on a davantage d’options et moins de choix imposés par la technologie ou les fournisseurs. »

Page 53 (Pierre-Yves Gibello, OW2) :

« J’ai du mal à croire qu’on puisse faire reposer sa sécurité sur quelque chose d’opaque, dont on ne maîtrise pas le fonctionnement, dont on ne connaît pas les composants, dont les vulnérabilités sont inconnues. Moi j’aurais peur si je n’avais pas les plans du système de sécurité qui me protège. L’argument qui fait valoir que mes ennemis n’ont pas non plus les plans n’est pas pour me rassurer, cela n’a pas de sens. »

Page 63 :

« Open source n’est pas synonyme de gratuité (...) il y a toujours un coût de maintenance, de mise à jour, de support, de développement personnalisé, etc. »

...oui, comme pour les logiciels propriétaires, donc. Sur ce sujet, j’ai écrit cela.

Page 66 :

« Parmi les interlocuteurs que nous avons interrogés, la plupart argumentent en faveur d’une vision business de l’open source (...). Certains au contraire s’inquiètent d’une intrusion trop forte du business dans le monde de l’open source, et craignent que ce modèle perde complètement ses principes de base. »

(C’est l’un des intérêts de ce livre, qui donne la parole aux deux mondes).

Page 67 (François Desmier, MAIF) :

« Je pense qu’il faut se méfier “du tampon open source” qui est parfois galvaudé, mais cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter d’en faire, de l’utiliser, bien au contraire, il faut continuer avec une vraie éthique. Ce qui me rend pessimiste c’est cet “open source washing” de certaines entreprises qui malheureusement ne sert pas la cause. »

Page 72 :

« seule une volonté politique forte aura la capacité de diriger l’IA dans le giron de l’open source, avec la mise en avant de « vraies » solutions ouvertes de machine learning et deep learning. (...) d’un point de vue éthique, l’Europe a tout intérêt à favoriser l’open source dans le développement de l’IA. L’Open source est associé à la transparence, alors que l’on reproche souvent à l’IA ses risques de biais et son inexplicabilité. »

Page 75 :

« Même Google a reconnu malgré elle que l’open source allait dépasser les modèles d’IA génératives propriétaires dans un document interne dont la fuite a fait couler beaucoup d’encre en mai 2023. »

Page 80 (et c’est valable aussi pour les collectivités) :

« une entreprise qui met en place une véritable politique open source - qui par essence est un modèle qui entre dans le scope de la RSE - aura un argument solide pour convaincre un talent de choisir son entreprise. »

Page 114 (Pierre-Yves Gibello, OW2) :

« On dit que le l’open source est compliqué à cause de la multitude de licences (...) mais en vérité, elles sont rangées dans de grandes catégories plutôt claires. A contrario, dans les licences propriétaires il n’y en a pas deux pareilles, même entre deux versions d’un même logiciel, les licences ne sont pas toujours les mêmes et elles ne sont pas non plus forcément compatibles entre elles. »

Page 121 (Jean-Luc Dorel, commission européenne) :

« Les modèles de développement basés sur l’argent public sont peu adaptés pour créer des compétiteurs à Google. (...) il faut développer une autre approche (...), des communautés de développeurs qui, additionnées les uns aux autres, représentent une force de frappe en termes de valeur, en termes de puissance de production de logiciels qui peuvent "concurrencer" ces grandes sociétés. »

Page 122 :

« Les efforts portées par les collectivités en matière d’open source devraient peut-être être valorisés par le biais de certifications ou encore d’une communication publique, etc. Une implication plus forte de l’État serait envisageable à ce niveau car l’adoption de logiciels propriétaires au sein de l’administration centrale discrédite pour le moment les efforts de migration vers le libre. »

Page 129 (Pierre Baudracco, BlueMind/CNLL) :

« Les GAFAM (...) font de l’open source, là où ils n’ont pas d’intérêt financier, et parfois justement pour concurrencer des solutions émergentes et reprendre le dessus. Donc c’est discutable d’en faire de réels acteurs de l’open source ».

Page 132 (Simon Rossi, formateur sur les modèles ouverts) :

« tous les systèmes de surveillance de masse qui se basent sur de l’intelligence artificielle, on le doit en partie à des briques ouvertes en open source. Il faut en avoir conscience, l’ouverture ce n’est pas que le bien, cela dépend dans quel environnement on s’inscrit. »

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